5/10/03 |
Nouvel
Obs... |
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C'était le 11 septembre et on célébrait le funeste souvenir que le monde avait " diablement " changé, qu'on était finalement les observateurs privilégiés d'un nouveau siècle d'horreurs. On passait de Pinochet aux attentats de New York avec une facilité déconcertante, comme si on pouvait sceller l'histoire de la nouvelle humanité autour de quelques projets phares de la puissante Amérique. Les médias et leurs collègues intellectuels étaient de nouveau prêts à mettre en scène leurs belles joutes féodales qu'ils ont si souvent répété ; une fois encore, ils allaient tenter de nous faire avaler une couche de bobard façon comédie musicale pour ensuite nous endormir promesse que la canicule ne se pointerait pas cette nuit là. Cette nuit là pourtant, il faisait chaud. J'étais chez moi. Quand je rentre chez moi, je regarde avec amusement les nouveautés, ce qui a changé depuis que je ne suis plus rentré : on peut entendre Delerm ou Carla Bruni en boucle dans la nouvelle Scénic et des ouvrages de psychogénéalogie parsèment de leurs titres évocateurs les tables en bois de la maisonnée. Après avoir zappé comme un psychopathe sur les 350 chaînes satellites, je m'essouffle. La chienne me regarde passer avec étonnement, quand, de la cuisine, je passe avec le Nouvel Obs dans les mains pour aller m'affaler dans l'épais canapé du salon. Là, peu à peu, je reprends position dans le monde, telle une immersion violente dans les abysses de l'édition à grand tirage Mais je m'inquiète déjà de ce que je vais lire ; ma curiosité me pousse d'abord à analyser le contenu du magasine en fonction des encarts publicitaires. Entre Gucci et BMW, on peut lire un dossier spécial sur ce qui a changé dans la pensée depuis le 11 septembre. En fait pas grand chose n'a changé, les nouvelles montres en or et les nouveaux moteurs diesels sont toujours l'apanage des mêmes, qu'ils soient fonctionnaires de l'ONU, marchands d'armes, de gauche ou les trois à la fois (c'est beaucoup plus fun). Ce qui est sur, c'est que, après avoir inconsciemment acheté le dernier rasoir portable qui fait à la fois appareil photo, téléphone et lecteur mp3, puis la petite citadine turboclim à la mode, on peut finalement se demander si c'est pas sur un marché aux puces dans lequel on se trouve. " Pardon, vous savez où se trouve la ligne éditoriale ? heu, sans doute au niveau des liquidations, à coté de l'affiche " tout doit disparaître ", juste entre le saucisson fleury michon et le rayon poupée gonflable ". Mais je ne me dégonfle pas, je continue ; bon je saute quand même trente bonnes pages -le chichi, le Raffarin, le Sarko et là, stupéfaction, un article de 3 pages sur un pays en guerre depuis 10 ans, qui a connu une dictature longue de 30 ans, et qui n'est pas l'Afganistan ou l'Irak (ça en général c'est pour l'alibi " c'est vraiment des enculés ces américains "). Alors ?? vous allez me dire y a en un sacré paquet. Allez je vous aide, c'est le pays dont provient la quasi totalité d'un minerai, le coltan, indispensable à la fabrique de nos petits cellulaires. he oui, il est bien connu, que, plus un pays à de richesses naturelles, plus il est en guerre. Le Congo Kinshasa en plus est peuplé d'africains, avec pleins d'ethnies qui ne s'aiment vraiment pas et qui n'hésitent pas à violer, à enculer, à découper toute sorte d'individu sur leur passage. (ça c'est pour le pitch, comme dirait l'autre connard) Vraiment ces gars là ne sont pas humains et quand on s'y penche d'un peu plus près, on se dit que c'est vrai : imaginez un militaire, en action, bien drogué et super entrainé, he bien on est bien plus proche de l'animal que de l'être humain. Noir ou blanc ou jaune, il n'y a que les modalités de la finition qui changent. Nous, occidentaux, on a depuis longtemps oublié la baïonnette et la machette ça nous sert à couper du bois ; on est bien meilleur avec nos fusées téléguidés, nos satellites espions, et nos mini bombes à fragmentation limites nucléaires. Ça fait des guerres bien plus propres, surtout à la télé, on a pas l'impression qu'il y a du sang puisque tout est vert et lumineux : la guerre des étoiles quoi! C'est ce que nous dit en substance cet article : que les bandes armées rwandaises et ougandaises qui traînent au Congo sont des vrais sauvages, et que la misère est totale, la famine réelle, les supplices atroces. Très bien, ce n'est sans doute pas faux, mais ça manque un peu d'épaisseur pour une guerre qui a déjà fait plus de 3 millions de morts depuis l'occupation. Une tentative de version des faits est brièvement amorcée par notre " reporter" : attirés par les ressources naturelles, revigorés par le sentiment d'appartenance ethnique, des troupes voisines dépècent tranquillement et les gens et les richesses du pays (ça c'est la pitchouly, le vieux filon qu'on sent venir de loin). Voilà ce qu'on nous sert en guise de consolation historique, grosso modo un conflit localisé autour de grands lacs lointains (et de moins en moins poissonneux d'ailleurs), des inconnus que tous aiment à qualifier implicitement de barbares (comme le faisaient les grecs pour ceux qui vivaient à l'extérieur des frontières civilisées, c'est à dire, les leurs) , et qui font vaguement parler de leurs exploits sous des termes peu envieux comme génocidaires, responsables de crimes contre l'humanité finalement pas de quoi s'inquiéter, et même si des soldats français ont fait leur apparition pour sécuriser quelques espaces dans cette zone, on est loin d'une prise de conscience réelle de ce qui se passe dans cette partie du monde. Seulement le conflit congolais ne relève pas uniquement d'acteurs locaux, bien au contraire. Nos charmants sauvages par exemple ont été encadrés par des experts américains et entraînés aux techniques de guerre les plus efficaces. Il est également avancé par plusieurs sources que des militaires made in USA ont participé à des massacres de réfugiés hutus -ce sont même les services secrets français qui les ont galbés, pour vous dire combien de gens de chez nous s'activent dans ces forêts infestées des serpent. La pourriture et le cynisme vont encore plus loin : les mêmes pseudo-démocrates (c'était à l'époque de Clinton) ont donné leur autorisation pour aider les hommes de Kagame à retrouver des masses de réfugiés (environ 500 000, pour ensuite les massacrer) grâce à leurs bons vieux satellites alors après on peut parler de la violence d'une guerre, mais si on oublie la moitié des faits, c'est pas du journalisme mais des farces et attrape. Pour les sources, voir le site www.globalresarch.com) Ensuite il est bien facile de résumer une histoire tragique, celle
des peuples des grands lacs, par des accroches faciles comme : les hutus
massacrent les tutsis, les hutus violent des mineures... Il y a comme
une systématisation des mécanismes de guerre qui empêchent
de voir la réalité : celle de l'instrumentalisation des
peuples par les politiques, initiées et adoubées par les
anciennes puissances coloniales. Cette stratégie vise à
diviser la population en les caractérisant (les hutus sont comme
ci
les tutsis sont plutôt
). cette pratique est millénaire
et très efficace pour pérenniser le pouvoir, ce qui permet
aux réseaux économiques extérieurs de s'assurer des
entées VIP avec la complicité des " amis ". c'est
pour cela qu'on retrouve des unités spéciales -services
secrets, commandos- dans les fôrets du bassin congolais, et qu'elles
y ont leur part de responsabilité dans ce qui arrive. Mais de tout cela il faut secret garder car il semble que ces pratiques vieilles comme le monde continuent à faire tourner et nos économies et nos politiciens, sans oublier les amis dictateurs. Alors on se dit finalement il sert à quoi ce putain de papier : 3 pages pour dire que finalement les africains sont bien incapables de quoi que ce soit dans ce monde -il faut les armer, les entrainer, extraire leurs minerais - la seule chose qu'ils sachent faire c'est de violer et piller puis mourir en silence du palud ou du sida. En fait, il est toujours très bon journalistiquement de s'apitoyer du sort des pauvres gens des lointains pays, mais il faut croire qu'il est souvent bien difficile et même dangereux de dire ce qui pourrait les sauver. Ecrire est un combat Krunchy
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