« Réforme » :
Quand une réforme proposée est imposée, cela s'appelle « LA réforme ».
Et s'opposer à cette réforme devient : le
« refus de la réforme ».
« Réformistes » :
Désigne ou qualifie les personnes ou les syndicats qui soutiennent
ouvertement les réformes gouvernementales ou se bornent à proposer
de les aménager. Les partisans d'autres réformes constituent un « front
du refus ».
« Equité » :
Désigne le souci (on parle de « souci d'équité »… qui permet
de réduire des avantages (relatifs) de certains salariés au lieu de
les faire partager à tous. Ce terme est sans emploi s'agissant des
prétendues « élites », exemptées de quelque concession par
leur naturel « souci d'équité ».
« Privilèges » :
Désigne les avantages (relatifs) dont disposent certains salariés
par comparaison à d'autres, mais non les avantages exorbitants dont
disposent les tenanciers de tous les pouvoirs au détriment de ceux
sur lesquels ces pouvoirs s'exercent. Les tenanciers des médias, par
exemple, disposent de quelques avantages qu'ils doivent à leur seul
mérite, tandis que les infirmières, les cheminots ou les enseignants,
sont des privilégiés.
« Inégalités » :
Ne désigne que les rapports entre les salariés du public et les salariés
du privé. Tous les autres rapports sont « conformes à l'équité ».
« Concernés » :
Se dit des secteurs ou des personnes qui sont immédiatement visés
par « LA réforme ». Sinon, dire : « les cheminots
ne sont pas concernés par la réforme des retraites » ou « les
enseignants ne sont pas concernés par la décentralisation ».
Vous pouvez pousser le souci de la rigueur jusqu'à affirmer que « les
cheminots ne sont pas directement concernés ».
Dans les deux cas, vous pouvez même ajouter qu'ils « se sentent
menacés ». D'où l'on peut déduire ceci : se sentir menacé,
ce n'est pas être menacé, et en tout cas être ou se sentir menacé,
ce n'est pas être concerné.
« Malaise » :
Se dit du « trouble », plus ou moins profond, qui peut aller
jusqu'au « mal-être », vécu ou ressenti par une profession.
Au printemps 2003, le « malaise » affecte particulièrement
les enseignants. Le « malaise » peut se traduire par des
« revendications » qui sont alors que des « symptômes ».
Le « malaise » et ses « symptômes », diagnostiqués
par les éditorialistes et les experts, réclament un « traitement »
approprié.
« Grogne » :
Un des symptômes les plus graves du « malaise », un signe
de l'animalité privée de mots des « grognons » [1].
Les grèves et les manifestations se traduisent par « un mouvement
de grogne » (entendu sur LCI).
« Troupes » :
Mode d'existence collective des grévistes et des manifestants, quand
ils répondent (ou se dérobent) aux appels et aux consignes des syndicats.
Parler de « troupes de manifestants », de « troupes
syndicales », de syndicats qui mobilisent leurs « troupes »
(ou qui « ne contrôlent pas leurs « troupes » »).
« Pagaille » :
Se dit des encombrements un jour de grève des transports. Par opposition,
sans doute, à l'harmonie qui règne en l'absence de grèves.
« Noir » :
Qualifie un mardi de grève. On parlera alors de « mardi noir ».
Peut également se dire des autres jours de la semaine. « Rouge »
est la couleur réservée aux embouteillages des week-end, des départs
ou des retours de vacances.
« Surenchère » :
Se dit, particulièrement au Figaro, de tout refus
des mesures imposées par le gouvernement, dont l'attitude au contraire
se caractérise par la « fermeté ».
« Durcissement » :
Se dit de la résistance des grévistes et des manifestants quand elle
répond à la « fermeté » du gouvernement, une « fermeté »
qui n'est pas exempte, parfois d' « ouverture ».
« Ouverture » :
Se dit des opérations de communication du gouvernement. L' « ouverture »
se traduit par des « signes ». Les « signes d'ouverture »
traduisent une « volonté d'apaisement ». Ne pas confondre
avec cette autre ouverture : « l'ouverture de négociations »,
qui pourrait manifester un dommageable « recul ».
« Apaisement » :
Se dit de la volonté que l'on prête au gouvernement. Par opposition
au « durcissement » de la mobilisation. Voir « ouverture ».
« Concertation » :
Se dit des réunions convoquées par un ministre pour exposer aux organisations
syndicales ce qu'il va faire et pour écouter leurs doléances, de préférence
sans en tenir aucun compte. Selon les besoins, la « concertation »
sera présentée comme un équivalent de la « négociation »
ou comme son substitut. Le gouvernement est toujours « ouvert »
à la « concertation ». Voir « ouverture ».
« Négociations » :
Selon les besoins, tantôt synonyme, tantôt antonyme de « concertation ».
On est prié de ne pas indiquer que, à la différence de la « concertation »,
la « négociation » est généralement terminée avant d'avoir
commencé. Inutile aussi de souligner ce miracle : au printemps
2003, dix heures de « négociation » ont suffi au gouvernement
pour ne céder que sur les quelques points qu'il avait déjà prévu de
concéder.
« Dialogue
social » : Se dit des rencontres où un ministre parle
aux syndicats, par opposition au « conflit social », comme
si le « dialogue » n'était pas généralement de pure forme :
destiné à dissimuler ou à désamorcer le « conflit ».
« Pédagogie » :
Devoir qui, pour les journalistes communicants, s'impose au gouvernement
(plus encore qu'aux enseignants…). Ainsi, le gouvernement fait preuve
(ou doit faire preuve…) de « pédagogie ». Tant il est vrai
qu'il s'adresse, comme nos grands éditorialistes, à un peuple d'enfants
qu'il faut instruire patiemment.
« Essoufflement » :
Se dit de la mobilisation quand on souhaite qu'elle ressemble à ce
que l'on en dit.
« Ultras » :
Désigne, notamment au Figaro, les grévistes et
les manifestants qui ne se conforment pas au diagnostic d' « essoufflement ».
Vaguement synonyme d' « extrême gauche », lui-même synonyme
de… au choix !
« Usagers » :
Se dit de l'adversaire potentiel des grévistes. Peut également se
nommer « élèves qui préparent le bac » et « parents
d'élèves inquiets ».
« Otages » :
Synonyme d' « usagers ». Terme particulièrement approprié
pour attribuer les désagréments qu'ils subissent non à l'intransigeance
du gouvernement, mais à l'obstination des grévistes. « Victimes »
des grèves, les « otages » sont d'excellents « clients »
pour les micro-trottoirs : tout reportage doit les présenter
comme excédés ou résignés et, occasionnellement, solidaires.
« Opinion
publique » : S'exprime dans les sondages et/ou par l'intermédiaire
des « grands journalistes » qui lui donnent la parole en
parlant à sa place. Quelques exemplaires de l'opinion publique sont
appelés à « témoigner » dans les journaux télévisés. Les
grévistes et les manifestants ne font pas partie de « l'opinion
publique », qui risque de (ou devrait…) se retourner contre eux.
« Témoins » :
Exemplaires de la foule des grévistes et manifestants, interrogés
en quelques secondes à la télé ou en quelques lignes dans les journaux.
Le « témoin » témoigne de ses affects, jamais de ses motifs
ou du sens de son action. Seuls les gouvernants, les « experts »
et l'élite du journalisme argumentent, connaissent les motifs, et
maîtrisent le sens. L'élite pense, le témoin « grogne ».
Voir ce mot.
« Contribuables » :
Nom que porte l'opinion publique quand elle paie des impôts qui servent
au service public. Quand l'argent public est dépensé pour consentir
des avantages fiscaux aux entreprises, cet argent n'a plus d'origine
identifiée. On dira : « les régimes de retraites du secteur
public sont payées par les contribuables ». On ne dira pas :
« les exonérations de charges consenties aux entreprises sont
payées par les contribuables ».
« Corporatisme » :
Mal qui menace n'importe quelque catégorie de salariés qui défend
ses droits, à l'exclusion de tenanciers des médias.
A suivre…
Merci d'envoyer vos contributions, amendements
et compléments à acrimed.
Suite:
Expert :
Invité par les médias pour expliquer aux grévistes et manifestants
que le gouvernement a pris les seules mesures possibles, dans l'intérêt
général. Déplore que les "grognements" des "jusqu'auboutistes" (voir
" ultras "), ces privilégiés égoïstes et irresponsables
(voir " corporatisme "), empêchent d'entendre le "discours
de raison" des artisans du "dialogue social". (Michel
Ducrot)