B.A.R.O.U.D
Dossier Rwanda
La désinformation sur le génocide

 

Les négationnistes:

 

Le Sénat français a récemment prêté une salle (le 4 avril 2002) pour une conférence négationniste enflammée où Marie-Roger Biloa pouvait affirmer à la tribune "qu'elle a été l'un des premiers journalistes a affirmer qu'au Rwanda, il n'y pas eu de génocide, et que les autres commencent à s'en rendre compte". Les négationnistes s'agitent et s'activent partout à l'approche du dixième anniversaire du génocide, mais c'est en France qu'ils sont les plus virulents. Ils multiplient à Paris et en province conférences de presse, colloques, débats et réunions.

 

Lorsqu’ils ne nient pas simplement le génocide, les négationnistes s’efforcent de le présenter comme un vulgaire et récurrent conflit interethnique, une lutte tribale atavique au cœur de l'Afrique (version souvent reprise par les médias français). Un autre thème diffusé par les révisionnistes et les génocidaires rwandais est celui du «double génocide».

 

Rappelons que le génocide des Tutsi a été organisé et planifié par des dirigeants corrompus dans le cadre d'une stratégie politique de maintien au pouvoir. Il a été réalisé dans un petit Etat centralisé et bureaucratique, où les militaires et les fonctionnaires ont joué un rôle essentiel d'initiateurs et de coordinateurs. Alors que les tueries auraient parfaitement pu être faites par les seuls militaires, l'horreur absolue a été atteinte par la mise en œuvre intentionnelle et calculée d'une extermination à l'arme blanche impliquant le plus de gens possible. Outre les milices, formées dans ce but, les paysans hutu ont été encadrés et mobilisés par les autorités locales pour tuer. Lorsque des milliers de familles Tutsi étaient rassemblées dans les églises, les écoles et les stades, les militaires commençaient l'extermination à la grenade et aux mortiers, mais la population était conviée à "finir le travail" à la machette et à la houe. Après le génocide, les biens des familles massacrées étaient répartis par les autorités. Les Tutsi n'ont pas été les seules victimes. Le génocide s'est accompagné du massacre de plusieurs milliers de démocrates hutu qui s'opposaient à cette entreprise démente.

La thèse du double génocide :

 

Dominique de Villepin évoque «les terribles génocides» rwandais sur RFI le 1e septembre 2003. Lors du Sommet franco-africain de Biarritz en novembre 1994 le Président François Mitterrand avait également employé le pluriel, «génocides», pour désigner ce qui venait de se passer au Rwanda.

 

L’utilisation du pluriel pour désigner ce qui s’est passé au Rwanda implique une adhésion aux thèses révisionnistes propagées par les génocidaires rwandais. La reprise jusqu’en 2003 d'une théorie révisionniste par une voix officielle montre qu'il s'agit là pour la politique française d'un problème majeur, permanent et profond : C’est la suite logique à l'implication militaire, diplomatique et financière des autorités françaises dans le génocide rwandais. Elle évoque aussi la prégnance dans ces mêmes sphères de l'ethnisme, ce racisme issu du passé colonial et du néocolonialisme présent.

 

En avril 1994 et pendant trois mois, plus d'un million de personnes, des Tutsi, ont été tuées au Rwanda parce qu'elles n'appartenaient pas à la bonne "ethnie". Au Rwanda, pourtant culturellement et linguistiquement homogène, les Tutsi, repérés par le fichage ethnique officiel (cartes d'identités) ou au faciès (selon les stéréotypes répandus) ont été systématiquement tués, des vieillards aux nourrissons. Le viol et la torture avant la mise à mort ont également été systématisés.

 

Les dirigeants politiques Hutu favorables aux accords d’Arusha et qui refusaient la logique ethnique du gouvernement génocidaire ont également été tués. Les Hutu qui refusaient de participer au génocide, désignés par la propagande du «Hutu Power» comme des traîtres, étaient également assassinés par les milices et les forces gouvernementales rwandaises. Il y eut également des Hutu tués par erreur, les stéréotypes racistes du Tutsi « long et mince » ayant parfois trompé les miliciens.

 

La thèse du «double génocide» accusant le FPR d’avoir massacré des Hutu visés en tant que tels n’a jamais été confirmée.

 

Le FPR a certes fait la guerre et a tué : Les soldats du FPR ont tué des membres des FAR et des milices Interahamwe. Lorsque les miliciens fuyaient, ils emmenaient la population Hutu en otage. Dans plusieurs cas, les troupes du FPR ne firent pas la distinction entre les milices génocidaires (qui ne portaient pas d’uniformes) et les civils. Il est donc probable que le FPR ai commis des crimes de guerre, mais il ne s’agit en rien d’un génocide contre les populations Hutu. Par ailleurs, le Tribunal Pénal International pour le Rwanda (TPIR) est compétent pour juger les crimes de guerre commis par le FPR si ces derniers sont confirmés (résolution 955).

 

La volonté des dirigeants français d’attribuer au FPR des exactions à caractère génocidaire sur les populations Hutu rwandaises est sans doute une façon de se justifier d’avoir soutenu, avant, pendant et après le génocide les militaires et le gouvernement ethniste qui au Rwanda ont planifié et exécuté le génocide des Tutsi.

L’opération « humanitaire » Turquoise:

 

L’opération « humanitaire » autorisée par la résolution 929 de l’ONU cachait une tentative de soutien militaire aux organisateurs du génocide.

 

Alors que le génocide des Tutsi est presque achevé et que le FPR est proche de remporter la victoire militaire contre les troupes gouvernementales rwandaises qui l’ont exécuté, le Conseil de sécurité de l’ONU autorise par sa résolution 929 du 22 juin 1994 une opération temporaire de deux mois «à but humanitaire» proposée par la France.

 

Le Gouvernement Intérimaire Rwandais (GIR), responsable de l’exécution du génocide  a pris part au vote du Conseil de sécurité et a voté en faveur de cette «opération humanitaire» !!

 

Cette opération Turquoise est en fait conçue pour apporter un soutien aux forces génocidaires, les FAR, en déroute devant l’avancé du FPR, et pour imposer au Rwanda des négociations entre le FPR et le GIR, le Gouvernement Intérimaire Rwandais issu du coup d’état du 7 avril et qui a encadré le génocide. Le mot « génocide » n’est d’ailleurs même pas cité dans la résolution 929.

 

La France ne peut en effet accepter la victoire du FPR contre une armée qu’elle a formée et entraîné. Alain Juppé, alors Ministre des Affaires étrangères, déclare le 20 juin 1994 : «Une victoire du FPR serait intolérable

 

Ainsi, officiellement pour arrêter le génocide, la France renvoie au Rwanda les militaires qui avaient formé pendant quatre ans les FAR, les forces gouvernementales rwandaises qui ont encadré et exécuté le génocide…

Le colonel Jacques Rosier, qui a été le commandant de l’opération Noroît de juin à novembre 1992 et qui a participé aux combats contre le FPR en février 1993 sera le chef du Groupement des Opérations spéciales durant l’opération Turquoise.

 

Alison Deforges rappelle que «Mitterrand insista d’abord sur le fait que les troupes françaises devaient prendre le contrôle de l’ensemble du Rwanda». Ce n’est que parce que le Premier Ministre Balladur y était opposé qu’un compromis fut adopté. Le rapport de fin de mission du général Lafourcade établit clairement que l’opération Turquoise n’avait pas grand chose d’humanitaire mais était bien une opération militaire.

 

La force a été utilisée non pas contre les auteurs du génocide mais contre le FPR …

 

La force militaire française n’est pas utilisée pour sauver les survivants : Presque systématiquement les Français répondent qu’ils n’ont pas les moyens d’intervenir pour sauver les rescapés. Finalement, à défaut de pouvoir maintenir le GIR dans la zone qu’il contrôle, devant l’avancée du FPR, la France crée la ZHS, la « Zone Humanitaire Sure. »

La « Zone Humanitaire Sure »:

 

La «zone humanitaire sure» n’est sûre que pour les génocidaires. Les Français assurent ainsi l’impunité à des criminels contre l’humanité.

 

Contrairement à la NINUAR (force d’interposition des Nations-Unis), les militaires français disposaient du droit d’utiliser la force. Ils n’ont cependant pas arrêté la plupart des assassins, ceux qu’ils ont arrêtés ayant été relâché : Ils purent ainsi continuer le génocide au Rwanda, dans la ZHS jusqu’en août, puis plus tard au Congo dans les camps de réfugiés.

 

La Radio Télévision des Milles Collines continuera à appeler les populations au génocide, en émettant depuis la ZHS.

 

Alors que dans la partie du Rwanda contrôlée par les troupes du FPR le génocide avait pris fin, il y avait de nombreux massacres dans la «Zone Humanitaire Sure» où se sont réfugiés les miliciens et les forces armées rwandaises qui encadraient le génocide.

 

L’opération Turquoise aura donc permis aux génocidaires de se replier vers le Congo (entraînant avec eux une partie de la population en otage) où ils ont continué les massacres des Tutsi dans les camps de réfugiés qu’ils contrôlaient. Les génocidaires se sont transformés en «réfugiés», faisant basculer la région dans le chaos pour une longue période.

iSo/BAROUD

e-mail

B.A.R.O.U.D. International • baroud.propaglande.org