B.A.R.O.U.D
6 mai
Le dimanche soir...

 

le dimanche soir, quand le week end a bien rempli son rôle de facéties, on se laisse aller sans y prendre garde, à d'étranges cérémonies comme...regarder le télévision par exemple.


le service public étant en grève quasi permanente de programmes interessants, on s'acharne sur la zapette pour savoir quelle parodie de film va bien pouvoir nous servir de somnifères. et la on tombe sur le navet du dimanche (tf1), et ce soir là j'avais de la chance, il était vraiment fameux. "el pacificator, the pacificator, le pacificateur" avec en guest star georges clooney (le gars qui pensait qu'avoir un rictus simultané de l'oeil droit et de la lèvre sup allait faire de lui un acteur de genre) et nicol kidman (pourquoi?). lui le colonel, elle fraichement débarquée de la maison blanche pour mettre de la tendresse au pentagone.


sorti en 1997 (ce détail a son importance), le navet des navets raconte l'histoire bénigne de ces deux lourdeaux à la recherche de têtes nucléaires volées (ouah, pas possible) et pire, tout ça après la guerre froide. entre temps les super boys ont eu le temps de se fabriquer une armée ultra sophistiquée qu'on essaie de fourguer à chaque film (là on a le choix entre satellite haute précision et un hélicoptère hyper armé, le tout avec un moral de fer). bon je passe sur la richesse des dialogues et les magnifiques plan séquence, le but de ce film est tout autre: vendre, faire accepter à toute la planète que les usa sont toutes les secondes menacées par des bandes fou de terroristes, et que les boys ne font que leur travail pour sauver ladite planète.

Pourtant hollywood entend patiner ce scénario de quelques effets humoristiques pour montrer que ce n'est pas de la propagande : " de toute façon c'est nous (les américains) qui avons formé tous les terroristes " hahaha. l'air de dire nous la géopolitique on connaît.


tu m'étonnes ! le décor de ce funeste film n'est autre que les bords de la mer caspienne, enjeu hautement stratégique pour les américains depuis la chute du mur et la découverte d'énormes gisements pétroliers. Et sans attendre le 11 sept (comme si celui ci n'avait eu d'effet que de symbolique), les scénaristes de Hollywood mettaient déjà leurs fantasmes sur grand écran : les braves boys sont sur le pied de guerre pour sauver la planète, se permettant même (c'est grave) de violer l'espace international russe pour poursuivre les méchants voleurs, (alors que l'habituelle armada en cravate suit comme une meute disciplinée les péripéties de notre héros au regard plissé sur écran haute technologie au lieu de prendre son téléphone rouge). (c'est vraiment grave).

Morale: il faut de la violence propre immorale et illégitime, celle des usa donc, pour combattre les vieux fossiles dégénéré de l'ère soviétique.


Mais encore une fois, il manque à cette trame une dimension émotionelle capable de susciter la compassion des téléspectateurs afin de ne pas tomber complètement dans le film politique: les femmes (en particulier notre héroine) qui ont cette sensibilité, peuvent alors facilement s'émouvoir de la mort de ces pauvres marines, qui, après avoir répété qu'ils étaient des gentils, se sont fait tiré dessus par des méchants russes incapables de gérer la situation (cf le gros plan sur le cendrier rempli de mégôts)


Voilà une représentation du monde digne du cerval d'un vraicon de washington. Régis Debray ajouterait en plus chiadé: la société américaine a cette profonde relation avec dieu, elle pense réellement, depuis sa création jusqu'à ses récentes opérations armées, être le bon produit de la bonté divine. La construction de New York a d'abord été pensée comme une nouvelle Jérusalem (la migration " forcée "de millions d'européens protestants), puis réalisée comme une nouvelle amsterdam. C'est pour ça qu'en tant qu'empire, qui a vaincu les grandes peurs du 20e siècle et qui vit dans une parano cataclysmique permanente, elle n'hésite pas à répandre le sang des infidèles sur le sol de ses péchets.


La réussite et la violence sous les auspices de dieu, c'est aussi le cadre de la fin de notre navet, si on a la force d'aller jusqu'au bout. En effet, notre chaire sensible savait quel être fragile se cachait derrière celui qui voulait faire sauter N.Y, qui se réfugie finalement dans une église parce que snipé de toutes parts. Lui qui a perdu toute sa famille à Sarajevo veut tout simplement se venger de ses méchants occidentaux qui lui ont volé ses amours. Des cantiques pour finir une vie et pour en commencer une autre ? on ne se bat pas pour dieu, on se bat, c'est tout.

pourtant la dernière image, ce n'est pas la larme de ce monsieur malade mais bien celle des pleurs de notre rouquine, qui avait eu peur que la bombe explose pour de vrai, et qui ne croit sans doute pas en dieu, mais qui croit en la raison de ses hommes politiques.


On a échappé de justesse à une catastrophe nucléaire, ouf. Par contre, la bombe qui s'est écrasée, sur les tours jumelles le 11 septembre 2001, n'a pas pu être désamorcée, loin de là. Comme un bon mélodrame, elle a fait pleurer des millions d'ames.

Son impact visuel a tellement été énorme que les gens ont du croire à une fiction hyper léchée des laboratoires hollywoodiens. Un acte d'impuissance sur un symbole de puissance, plus féroce que nature, les terroristes sont des fans de ce genre de scénario. Aujourd'hui les usa sont " les pacificateurs " et des régions dont ils ne connaissaient même pas l'existence sont la cible de leur effrénée désir de vengeance et de démonstration, sous couvert de lutte contre le terrorisme, contre la drogue, contre les amis dictateurs et bientôt contre des taupes devenues radioactives à force de se promener autour d'obus au plutonium appauvri et qui auraient décidé d'envahir la plaine du Middle West.


Le cinéma a toujours été un outil de fantasme et de propagande, des productions italiennes post mussoliniennes aux james bond les plus fameux. Mais le monde a changé. Aujourd'hui unipolaire et intemporel, le plus paumé des maliens, le plus glacé des sibériens a vu ce putain de film, ou un autre pire encore. mais quand on commence à s'adresser au monde, quand on injurie de cette façon la dignité humaine à l'aide de ce qu'il est necessaire d'appeler un art, on ne peut s'étonner du vide infinitésimal qui sépare finalement le bonheur de la torture, la paix de la révolte. Le terrorisme est un acte grave, appeler le terrorisme est un acte dangereux.

 

Krunchy/BAROUD©

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