Le Canard Enchaîné
du 28/09/2002
La presse, et notamment "Le Monde", a raconté comment
Pasqua continuait à s'accrocher au conseil général
des Hauts-de-Seine, dont il a pourtant été obligé
de démissionner. la loi interdit le cumul de la présidence
d'un exécutif avec un siège de parlementaire européen.
Ce mandat européen étant vital pour Charlie, qui, victime
de la hargne de la justice, doit s'assurer une solide immunité.
Et les détails du plan pour revenir prochainement à la tête
du conseil général, mis au point avec
Sarkozy, à qui Pasqua a promis sa succession en 2004, valent le
détour.
Premier épisode: Charlie, le 25 juillet, désigne
un tout dévoué à sa personne, Jean-Paul Dova, pour
assurer l'intérim jusqu'à l'élection du nouveau président.
Avant le 25 octobre, dit la loi.
Deuxième épisode : la suppléante de Nicolas
Sarkozy (nommé au gouvernement) attend la dernière minute
(le 16 août) pour annoncer qu'elle prend la suite de Sarko à
l'Assemblée, renonçant ainsi à son siège de
conseillère générale de Puteaux. Le nouveau président
ne peut donc être élu, puisque l'assemblée départementale
n'est plus au complet. Il faudra attendre pour cela la cantonale partielle
à Puteaux, dans un délai de, trois mois. Fin novembre, le
conseil général pourrait donc
être enfin au complet et élire son président.
Troisième épisode: voilà-t-il pas qu'un autre
élu de cette noble assemblée, lui aussi proche de Charlie,
Philippe Pemezec, élu député du Plessis-Robinson,
voit son élection opportunément contestée. Ce qui
retarde d'autant le moment où il devra choisir entre ses deux mandats.
Il ne renoncera à celui de conseiller général, estiment
les connaisseurs, que juste avant le résultat de la cantonale de
Puteaux, fin novembre. Le conseil général sera alors de
nouveau incomplet jusqu'à fin février 2003, et l'intérim
du pauvre Dova se poursuivra jusqu'à cette date.
Voilà qui tombe bien - et c'est là le gag final. Début
2003 devrait entrer en vigueur la nouvelle loi réformant les modes
de scrutin. Et supprimant, à la demande expresse de Chirac, l'interdiction
du cumul entre mandat européen et présidence d'un exécutif.
Dova pourra alors mettre fin à son interminable intérim,
et Charlie revenir par la grande porte à la présidence du
conseil général, jusqu'aux cantonales du printemps 2004.
Date à laquelle Sarko pourrait faire don de sa personne au département.
C'est vrai que, pour un candidat possible à l'Elysée, le
titre de président du conseil général des Haut-de-Seine,
ça fait nettement moins marqué socialement que maire de
Neuilly. Et ça donne quand même plus de moyens.
Charles Pasqua, le magistrat ironique et la plaideuse
fantôme
LE MONDE | 02.05.03 | 13h12
C'EST au tribunal administratif de Paris, mercredi 30 avril, que s'est
scellée la réélection de Charles Pasqua à
la présidence du conseil général des Hauts-de-Seine.
Et, par la même occasion, la possibilité qui lui est désormais
offerte de cumuler son fauteuil à l'hôtel du département
de
Nanterre et son siège au Parlement européen. Ce qui, "de
toute évidence", notait le commissaire du gouvernement à
l'audience, était le souhait du président du Rassemblement
pour la France (RPF). Le magistrat s'est également étonné
de l'"étrange et paradoxale vertu, qu'on espère involontaire,
d'un recours ayant pour effet de servir directement le défendeur",
en l'occurrence M. Pasqua. Il a toutefois conclu à son rejet.
La 1re chambre de la 3e section du tribunal administratif de Paris était
en effet saisie du recours formé par une électrice, Evelyne
Jungfer, à la suite du renouvellement de l'exécutif départemental,
le 27 février.
Coïncidence :
ce recours a été déposé le 4 mars, le jour
où débutait au Sénat le débat sur la réforme
des modes de scrutin aux régionales et aux européennes qui
a conduit à l'abrogation de loi du 5 avril 2000 interdisant le
cumul des deux mandats. Pour se mettre en conformité avec cette
dernière, M. Pasqua avait choisi de démissionner, le 25
juillet 2002, de la présidence du conseil général
des Hauts-de-Seine plutôt que de renoncer à son mandat de
député européen, et à l'immunité parlementaire
qui lui est attachée.
Or M. Pasqua est soupçonné de corruption dans l'affaire
du financement de la liste souverainiste qu'il conduisait aux élections
européennes de 1999, et les juges Courroye et Prévost-Desprez,
qui enquêtent sur ce dossier, ont été conduits à
demander au Parlement européen la levée de son immunité.
Cette demande a été rejetée en février 2002.
"UN INTÉRÊT OBJECTIF"
Ainsi, quand M. Pasqua fut réinvesti à la tête du
département, le 27 février, le projet élaboré
par le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, n'avait pas force
de loi, puisque étant toujours en discussion au Parlement.
En toute logique, c'est le texte en vigueur qui s'appliquait, conduisant
M.Pasqua à devoir abandonner son mandat au Parlement européen.
Au Sénat, le 12 mars, Michel Dreyfus-Schmidt (PS, Territoire de
Belfort) s'étonnait de cette anomalie et demandait au gouvernement
d'y mettre un terme en "prenant acte de la cessation du mandat de
M. Pasqua au Parlement européen et en proclamant élu son
suivant de liste". Patrick Devedjian, le ministre délégué
aux libertés locales, objecta qu'il n'était pas en mesure
de prendre un tel décret "parce qu'il y a eu un recours et
qu'il est suspensif".
Depuis, la loi électorale de M. Sarkozy a été définitivement
adoptée. Si l'élection de M. Pasqua à la présidence
du conseil général des Hauts-de-Seine est confirmée,
il pourra conserver son mandat européen, et l'immunité qui
va avec. Le commissaire du gouvernement a, certes, conclu que "M.
Pasqua avait un intérêt objectif à ce que son élection
fût contestée", sans que cela constitue, à ses
yeux, un motif juridique d'invalidation. Le tribunal administratif rendra
lundi sa décision. Aucune des deux parties n'avait jugé
utile, mercredi, d'être représentée à l'audience.
Et la plaignante qui a permis à M. Pasqua de cumuler ses deux mandats
reste, à ce jour, une parfaite inconnue...
Patrick Roger
ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU Monde du 03.05.03
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